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A Avignon, le déroutant et indiscipliné « Quichotte » de Gwenaël Morin avec Jeanne Balibar

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Entre le grand n’importe quoi et le génie débridé, la limite peut être floue et se franchir dans les deux sens avec une sorte de jubilation croissante. Gwenaël Morin, metteur en scène de Quichotte, d’après Miguel de Cervantès, précipite le public dans une oscillation tumultueuse qui le ballotte d’un extrême à un autre. Est-ce que je pars ou est-ce que je reste ? Au bout d’une heure environ d’un spectacle (qui en dure deux), un homme se lève, « ça suffit », d’autres le suivent et quittent le Jardin de la rue de Mons, ses arbres touffus, ses pierres noircies par les âges et ses buissons opulents. C’est dommage.

Ils se privent d’une expérience théâtrale qui, si elle est par moments erratique et confuse, vaut le coup d’être vécue pour son lâcher-prise fantasque et son indiscipline enfantine. Deux qualités qui allègent, à leur manière, la pesanteur ressentie à l’approche du second tour des élections législatives qu’on ne convoque pas, ici, par hasard. L’adaptation fragmentaire et infidèle que signe Gwenaël Morin du Don Quichotte de Cervantès, roman épique écrit au XVIIe siècle, ramène, mine de rien, à l’actualité politique. Pourquoi ? Parce que le héros, ce chevalier de pacotille, qui pourfend les moulins à vent en affirmant d’eux qu’ils sont des géants horrifiques, porte en lui une dimension ultracontemporaine.

Voici un homme dopé par les récits de chevalerie qu’il a lus en abondance et qui, gorgé de mille mots emphatiques, accouche de lui-même, s’invente une identité, se rêve un destin, se fabrique une mission, fantasme le monde, perd de vue le réel, s’intronise amant d’une Dulcinée (qu’il ne rencontrera jamais) et chef d’une armée composée, en tout et pour tout, du fidèle Sancho Pança lui-même flanqué de son âne (ici incarné par une table de plastique que tire le comédien Thierry Dupont derrière lui).

Cet homme, qui est moins un être humain qu’il n’est un projet, une ambition, voire une fuite en avant, la fabuleuse Jeanne Balibar l’adopte en totalité. Ce qui veut dire qu’elle cohabite avec des personnalités multiples. Quichotte porte le pire et le meilleur. Il est un indécrottable utopiste, un mégalomane inspiré et-ou un dangereux schizophrène, un dictateur en gestation. L’actrice, pour sa part, ose et peut tout : jouer le premier degré d’un texte et en suggérer quinze autres en même temps. Travailler dans un seul rire la joie et la mélancolie. Basculer de l’extase à l’effroi. S’étendre dans les buissons en slip et soutien-gorge. Arpenter les gradins, son œil sur les sexes des spectateurs, à la recherche d’une « truitelle » (une petite truite). Brandir une lance de bois, enfiler une armure en carton et cavaler à l’autre bout du jardin avant de revenir, face au public, pour scruter le spectateur.

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