Patrick Chamoiseau, écrivain : « Le “système-outremer” génère une invivabilité qui, malgré des convulsions fréquentes, ne cesse de perdurer »

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Le terme « consumation », emprunté à l’économiste martiniquais Michel Louis, évoque la destruction intérieure d’une société par un modèle économique mondial qui, sans contrainte apparente, souvent dans la consommation, érode ses fondements culturels, politiques et sociaux. Le jeu de sonorités, mêlant « consommation matérielle » et « consumation existentielle », résume l’une des dynamiques capitalistes des sociétés contemporaines. Le « système-outremer » français, dont relève la Martinique, n’échappe pas à cette règle. Il abrite un capitalisme mercantile qui s’ajoute à une matrice coloniale résiduelle que nos décennies de résistance n’ont pas su entamer.

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Le système-outremer génère une invivabilité qui, malgré des convulsions fréquentes, ne cesse de perdurer. Ce mélange de capitalisme et de colonialisme se nourrit de lui-même et des correctifs qui lui sont apportés à l’intérieur de sa seule logique. Sa fatalité est intériorisée par tous : depuis les décideurs français (des plus réactionnaires aux meilleurs « insoumis »), en passant par nos militants décoloniaux les plus exaspérés, jusqu’à ceux qui, à présent, érigent la « vie chère » en grand soleil carré de cette affaire.

Les forces de résistance traditionnelles (pensée politique, vertu syndicale, action culturelle…) se sont figées dans du pragmatisme gestionnaire ou dans des poses de nègres marrons désuets. La raison indépendantiste s’agrippe à un manichéisme des années 1950 : ses slogans décoloniaux ne sont plus que des incantations dont l’inefficience avérée laisse supposer un renoncement secret à tout changement réel. La rumination politique interne (assimilationniste, autonomiste, indépendantiste) n’a plus de clairvoyance sur les arcanes du capitalisme globalisé, sur sa domination de nos imaginaires, ou sur l’inscription du système-outremer dans cette lamentable horlogerie.

Précarités amplifiées

La matrice coloniale résiduelle est toujours là, momifiée dans une prédation néolibérale qui impose une prééminence de l’économie sur l’existence humaine, verrouille les filières juteuses, rétribue des lobbys qui hantent les ministères et les couloirs européens. Elle complète le tableau par une réification du vivant, qui va de l’empoisonnement des sols au grignotage des espaces agricoles.

Sous l’empire de la religion capitaliste, les précarités matérielles, culturelles, intellectuelles, spirituelles, éthiques n’ont fait que s’amplifier. Dans le système-outremer, elles sont exacerbées par la matrice résiduelle coloniale : prééminence économique des mêmes, ghettos raciaux, déresponsabilisation institutionnelle, isolement forcé dans notre géographie cordiale, et surtout dénégation de toute existence à nos peuples-nations composites, surgis des catastrophes de la colonisation.

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