Prsidentielle – Pourquoi le pouvoir a prfr le scandale l’invalidation des rsultats

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Prsidentielle – Pourquoi le pouvoir a prfr le scandale linvalidation des rsultats

 

À quinze jours des élections, 34 députés inféodés au pouvoir ont proposé un projet d’amendement de la loi électorale, visant à éliminer le tribunal administratif des recours hypothétiques des candidats à la présidentielle. Peu importe la grosse polémique déclenchée par une telle proposition, à la fois inédite et abjecte, le pouvoir tient à tout prix à écarter le risque de voir la présidentielle invalidée par les juges administratifs.

 

Le ciel est gris et bien orageux dans les sphères du pouvoir. La présidentielle du 6 octobre ne se déroule pas du tout comme Kaïs Saïed l’aurait souhaité. Le président sortant semble bien loin de l’autoroute qui l’avait mené, en 2019, à Carthage avec 2,7 millions de voix. À défaut de sondages récents, on ne saurait estimer ses chances et le nombre de voix qu’il pourrait collecter le jour du scrutin, mais au vu des subterfuges que le pouvoir multiplie, le doute est permis quant à une reconduction facile dès le premier tour, ni même au second.

Dans les faits, les médias publics et quelques dizaines de pages Facebook essaient de présenter l’image d’un Kaïs Saïed populaire qui va gagner haut la main l’élection. « De Bizerte à Médenine, un seul tour et non deux », promet dans une rime approximative en arabe Riadh Jrad, propagandiste en chef du régime. Les médias publics Tap, Wataniya 1, la Radio nationale et le journal public La Presse n’en font pas moins, ils sont devenus les porte-paroles de la campagne à force d’éditoriaux et d’émissions totalement orientés au service de Kaïs Saïed. L’éditorial de Chokri Ben Nessir, PDG de la Presse, lui a d’ailleurs valu une promotion avec sa nomination à la tête de la Télévision nationale et ses deux chaînes TV.

Mais aussi élogieux et rassurants soient-ils, les propagandistes et les médias publics sont loin d’être les baromètres de Kaïs Saïed. Le chef de l’État lit avec attention les rares médias privés indépendants, bien plus crédibles et plus proches de la rue, et les communiqués cinglants des différentes organisations nationales. Et il lit avec encore plus d’attention les rapports de ses services de sécurité et de l’armée, réputés être les meilleurs en matière de crédibilité et d’exactitude.

Et cela ne le rassure guère quant à son avenir au palais de Carthage.  C’est une question de survie, une reconduction pour cinq nouvelles années est impérative.

 

Il a éliminé un à un les candidats potentiels, en jetant certains d’entre eux en prison, mais également les personnalités médiatiques influentes dont Sonia Dahmani, Mohamed Boughalleb, Mourad Zeghidi et Borhen Bssaïs, incarcérées à quelques mois du scrutin. Naturellement, cela a déclenché un grand tollé, mais peu importe, le pouvoir allait de l’avant sans se soucier de ce que l’on dit.

Après le dépôt des candidatures, l’instance électorale (dont les membres ont été nommés par le président sortant) n’en a gardé que trois. Le tribunal administratif a remis trois autres dans la course, mais l’instance électorale n’a pas tenu compte de l’injonction des juges. Une première ! Une nouvelle fois, médias privés et ONG ont crié au scandale, pendant que les médias publics tentaient, en vain, de justifier l’injustifiable.

Bien que retenu par l’instance électorale, l’un des trois candidats, Ayachi Zammel, est jeté en prison en pleine période électorale, accusé d’avoir falsifié des parrainages. Peu importe l’absence de preuves formelles (la majorité des accusations se base sur de simples déclarations de citoyens) et le scandale que cette arrestation a déclenché, aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger, cela n’a guère empêché le pouvoir de continuer à aller de l’avant comme si de rien n’était.

Le dernier scandale est survenu vendredi dernier avec la proposition saugrenue de 34 députés inféodés au pouvoir d’amender la loi électorale, et ce à quinze jours seulement du scrutin, afin d’empêcher le tribunal administratif de pencher sur les éventuels recours électoraux. 

Il est fort à parier que c’est Kaïs Saïed en personne qui en serait à l’origine. Le président du parlement Brahim Bouderbala a agi au quart de tour pour servir son bienfaiteur en convoquant en urgence une réunion du Bureau du parlement, puis en programmant une plénière pour le vendredi 27. Soit une semaine, jour pour jour, de la date du dépôt de la proposition. Un véritable record, jamais vu par le passé. Pour ne prendre aucun risque, la discussion de la loi en comité a été confiée à une commission non spécialisée en la matière. Celle chargée de la réglementation électorale a été mise sur la touche. Mais on n’est pas à un scandale près.

Bon à rappeler, il y a à peine sept mois, le président de la République lui-même, estimait qu’il n’y avait guère besoin d’amender cette loi. Une nouvelle fois, un gros tollé suivi d’une manifestation à laquelle étaient présents quelque 1500 personnes criant « dégage » et « liberté ». Et une nouvelle fois, propagandistes et médias publics tentent de justifier l’injustifiable en accusant, en toute impunité, les juges administratifs d’être partiaux.

 

C’est clair, en dépit de la multiplication des scandales et de la violation claire des lois et des pratiques universelles courantes en matière d’élections, le régime de Kaïs Saïed s’entête dans la fuite en avant. Il ne veut prendre aucun risque d’être devancé par un candidat et encore moins que les élections soient invalidées.

En remettant dans la course trois candidats éliminés par l’instance électorale, les 27 juges administratifs ont fait preuve d’une totale indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif et du président de la République. Contrairement à ce que prétendent certains proches du régime, le tribunal administratif a été, de tous temps et un peu partout dans le monde, le recours des candidats aux élections.

Au vu de tout ce qui s’est passé durant la période et la campagne électorales, la suite imaginable du scrutin du 6 octobre est que les candidats éliminés injustement par l’instance électorale (ou par le biais d’une éventuelle fraude en faveur de Kaïs Saïed le jour des élections) saisissent le tribunal administratif pour invalider les résultats des élections. Comme ce dernier a déjà fait preuve d’indépendance, les chances qu’il invalide les élections sont grandes, ne serait-ce qu’en se basant sur le fait que l’instance électorale ait refusé d’appliquer ses injonctions.

 

Ce scénario hante le pouvoir d’où la proposition d’amendement du code électoral. Il ne fallait, en aucun cas, laisser la main aux 27 juges administratifs pour barrer la route au président sortant.

Si Ayachi Zammel obtient un plus grand nombre de voix, le jour J, l’Isie doit pouvoir avoir la possibilité d’invalider sa victoire, sous prétexte qu’il est accusé de falsification de parrainages, sans risque que sa décision soit annulée par le tribunal administratif.

Si Kaïs Saïed gagne l’élection, il ne faut pas laisser la possibilité aux autres candidats de demander l’invalidation des résultats pour quelque prétexte que ce soit.

Dans un cas comme dans l’autre, il faut retirer tout pouvoir aux juges administratifs et le mettre entre les mains des juges de la cour d’appel, bien qu’ils ne soient ni spécialisés, ni expérimentés en matière de litiges électoraux.

Il fallait agir en amont quitte à provoquer un énième scandale et à jeter encore plus de doute sur la régularité et l’intégrité du scrutin.

 

Raouf Ben Hédi

 

 





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