Alain Delon : « Si j’étais resté charcutier, je n’aurais jamais eu autant d’emmerdes »

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C’était devenu une forme de rituel, après une série consacrée à sa carrière, publiée dans Le Monde durant l’été 2018, puis un entretien au long cours, sollicité par l’acteur, paru le 21 septembre 2018 dans les colonnes du journal : Alain Delon téléphonait régulièrement. C’était une manière de prolonger une conversation, et aussi de parler, sans nécessairement rechercher le dialogue.

Au début de chaque conversation, au téléphone le plus souvent, le samedi en général, tôt le matin, il fallait d’abord prêter son oreille à un long soupir sans le moindre mot. Un interminable « Pfff… » qui exprimait sa lassitude, son agacement, ou le simple besoin de prendre sa respiration avant de débuter son monologue. A la fin de cet appel d’air, Delon prononçait votre prénom puis, assuré de l’identité de son interlocuteur, assénait de manière déterminée : « Alain ! » Le vouvoiement restait de rigueur, mais l’échange de prénoms, sur lequel il insistait, installait une intimité recherchée.

L’instant présent

Dans ses conversations, Delon insistait sur ses débuts ou sur sa fin. Depuis un bon moment, l’acteur vivait l’instant présent comme son dernier, tant il était entendu qu’il n’y aurait plus de lendemain. Puis il revenait sur les mêmes hypothèses. La première restait liée à sa carrière, que l’acteur aimait la considérer comme un accident : « Si j’étais resté charcutier, je n’aurais jamais eu autant d’emmerdes. » Il le disait avec une telle conviction que l’espace de quelques secondes, le plus grand acteur français de l’après-guerre se persuadait que commis-charcutier, ce qu’il fut pendant son adolescence, eut constitué un destin plus enviable que star de cinéma, car plus paisible.

La seconde hypothèse le ramenait à ses trois années en Indochine, où il s’était enrôlé mineur, à 17 ans et demi, grâce à une autorisation de ses parents, tolérance qui le perturbait encore. Partir à l’armée lui avait permis de devenir un homme, mais aussi de réaliser qu’il aurait pu y laisser la vie. « Cela peut en déranger beaucoup que j’estime avoir tout appris à l’armée, mais je les emmerde », insistait-il. Il fallait entendre les plaintes et les lassitudes derrière les mots. L’armée avait été sa seule école, et l’enseignement reçu plus tard, sur un plateau de cinéma, par ceux qu’il appelait ses « maîtres », René Clément, Luchino Visconti et Jean-Pierre Melville, avait prolongé son éducation.

Sens de l’honneur et fidélité

Mais le mépris qu’il ressentait trop souvent à l’encontre de gamins partis comme lui, sous les drapeaux, combattre pour une guerre coloniale dont ils ignoraient les tenants et les aboutissants, le révoltait. De l’armée, Delon avait retenu un sens de l’honneur, de la solidarité et de la fidélité à ceux qu’il avait croisés. Fidélité dont il évitait de faire étalage et qui se manifestait, par exemple, avec le boxeur Jean-Claude Bouttier, mort le 3 août 2019 vaincu par la maladie, et que l’acteur hébergeait dans son domaine à Douchy, dans le Loiret, où il passait la moitié de sa semaine, seul, en compagnie de ses chiens.

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