JO 2024 : l’entrée réussie du kayak cross dans le programme olympique

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Parce que ça bastonne fort entre les quatre concurrents engagés simultanément sur le plan d’eau. Que ça frotte souvent durant la descente entre les bateaux profilés en plastique – une embarcation en carbone comme celle utilisée dans les épreuves de slalom ou de sprint franchirait la ligne d’arrivée dans un sale état. Que ça boxe dur contre les boudins installés le long du parcours en guise de portes, qu’il est autorisé d’écarter d’un coup de casque, d’un revers de la main ou d’un mouvement de pagaie. Pour ces trois raisons au moins, le kayak cross sourit aux pays de rugby.

En témoignent les podiums des finales disputées, lundi 5 août, dans le bassin d’eau vive de Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne). Chez les femmes, c’est l’Australienne Noemie Fox, sœur cadette de la double championne olympique de slalom (en canoë et en kayak) Jessica Fox, qui s’impose, devant la Française Angèle Hug et la Britannique Kimberley Woods. Côté hommes, le titre revient au Néo-Zélandais Finn Butcher, l’argent va au Britannique Joseph Clarke et, puisque chaque règle souffre des exceptions, le bronze à l’Allemand Noah Hegge.

D’ailleurs, la seule rescapée de l’équipe de France, qui disposait encore de quatre chances de médailles au stade des quarts de finale (Angèle Hug, mais aussi Camille Prigent, Titouan Castryck et Boris Neveu), filait la métaphore rugbystique près son podium : « Je prends pas mal de coups dans les épaules, dans les dorsaux, j’ai un peu mal partout, comme un rugbyman, mais je ne regrette pas, car c’est du bonheur à l’entraînement et en course. » Un bonheur partagé par les quelque 12 000 spectateurs présents dans les tribunes, et qui, pour beaucoup, ont découvert cette discipline spectaculaire qui fait sa première apparition dans le programme olympique.

« Tout est possible »

En demi-finale, la jeune Ardéchoise a renversé une situation qui semblait compromise en parvenant à dépasser, à la huitième et dernière porte du parcours, la concurrente brésilienne qui la précédait. Après un mauvais départ en finale, elle a mis à profit ses qualités d’attaquante pour recoller peu à peu au peloton, portée par un public acquis à sa cause. « J’étais un moment quatrième, mais je ne me suis jamais dit, c’est fini. C’est ça le cross, tout est possible jusqu’au bout », a expliqué la kayakiste de 24 ans.

« Tout le monde a compris aujourd’hui le langage de cette discipline, se félicite Frédéric Rebeyrol, entraîneur national à la Fédération française de canoë-kayak (FFCK), chargé du kayak cross. Le cross, c’est un concentré d’émotions, un concentré de rebondissements ».

Indépendamment de la performance individuelle, couronnant une athlète qui s’est illustrée par une cinquième place aux Mondiaux 2023, vice-championne du monde des moins de 23 ans, par ailleurs, « cette médaille d’argent concrétise le travail de toute une équipe, de tout un projet sur le kayak cross » poursuit l’entraîneur. Cette activité nouvelle, apparue pour la première fois aux championnats du monde à Pau, en 2017, reste pour le moment un petit milieu.

« C’est une belle discipline, juge aussi Boris Neveu, terriblement déçu de l’erreur qu’il a commise en fin de parcours et qui le prive d’une place en finale. Je suis persuadé qu’elle amène des choses au kayak en général. Quand on voit le public adhérer autant à cette pratique, on ne peut qu’aller plus loin ».

Révolution culturelle

Un peu plus tôt, Camille Prigent, sortie dès les quarts de finale, accablée par une peine encore plus lourde que son embarcation de 18 kg (deux fois plus que le poids d’un bateau de slalom), a tout de même dit quelques mots sur ce sport. « Il y a quelques années encore, j’avais peur du fight sur l’eau, puis je me suis exprimée de mieux en mieux, a expliqué la jeune Bretonne, vice-championne du monde 2023 de la spécialité. On s’est pris au jeu et on commence à tous se régaler. Il faut être toujours dans l’adaptation, c’est pour ça que c’est dur aujourd’hui, parce qu’il y a des retournements de situation, mais c’est aussi ce qui fait le côté fun de ce sport »

C’est là l’autre succès du kayak cross français. Une victoire moins visible qu’une médaille étincelante accrochée au cou d’une athlète, mais certainement plus pérenne. Les Bleus et leur encadrement sont parvenus à installer le kayak cross dans le paysage du haut niveau.

Il a fallu pour cela franchir plusieurs obstacles : allouer des moyens financiers ; structurer une équipe auteur d’un porteur projet, Frédéric Rebeyrol ; développer un bateau, le « Paname », adopté depuis par les deux tiers des nations engagées aux Jeux. Et convertir le milieu des kayakistes, dont le premier réflexe fut de dénigrer cette discipline éloignée des fondamentaux de slalom.

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Car le cross relève presque de la révolution culturelle : « On passe d’une course contre la montre à une course contre les autres, un sport de confrontation et de contact physique, où la prise d’informations se fait à l’instant T », résume le directeur technique national (DTN), Ludovic Royé.

Avec trois podiums, les Bleus, rentrés bredouilles des Jeux de Tokyo, en 2021, se classent, aujourd’hui, à la deuxième place du classement des nations, derrière l’Australie, à l’issue des épreuves de slalom et de cross. A partir de mardi 6 août, les kayakistes et céistes prendront leurs marques dans l’autre bassin du stade nautique de Vaires-sur-Marne, en eau calme celui-là. Début des épreuves de courses en ligne. Plus question cette fois d’aller à la baston contre les autres concurrents.

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