« Des amours interdites », sur Arte.tv : retour sur les débuts d’une Europe queer

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ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE

L’entre-deux-guerres en Allemagne et en Autriche fut une période essentielle au commencement des mouvements queer, gay, lesbien et transgenre dans le monde. Berlin aurait compté jusqu’à 132 établissements homosexuels avant 1933 – clubs, cabarets, boîtes de nuit, etc.

Ce documentaire de Fritz Kalteis, qui mélange témoignages et reconstitutions fictionnelles, raconte l’histoire vraie de Margarethe et Leonie, deux femmes autrichiennes apprenant à s’aimer et à s’assumer. « Je croyais être la seule être au monde qui… », commence Margarethe, qui a laissé cette phrase en suspens. Elle ne voyait d’homosexualité nulle part ailleurs, se sentait prisonnière de ses sentiments pour les femmes.

A cette époque où l’homosexualité (masculine) est passible de cinq ans de prison, ses parents la poussent à consulter un médecin pour « guérir » ce qu’ils appellent sa « maladie ». Ce médecin, c’était Sigmund Freud (1856-1939). Seul dans son bureau, le cigare à la bouche, le fondateur de la psychanalyse considère le cas de Margarethe. Lors de leur première séance, il réfléchit déjà à établir « la psychogenèse de Margarethe Csonka » – dont il fera un essai, publié en 1920. Margarethe mourra en 1999, à 99 ans. Ses archives, une fois retrouvées, donnent une image claire de ce à quoi ressemblait la vie d’une lesbienne au XXe siècle.

Le « triangle rose » du IIIe Reich

Fritz Kalteis dresse aussi le portrait de Magnus Hirschfeld (1868-1935), médecin et sexologue allemand, qui fut l’un des rares précurseurs du mouvement queer dans le monde. En 1897, lui-même homosexuel, il fonde le Comité scientifique humanitaire, la première organisation au monde à vouloir légaliser les relations sexuelles entre hommes. Il fait déposer un projet de loi au Reichstag l’année suivante, visant à abolir le paragraphe 175, loi interdisant les rapports entre deux hommes. En vain : 42 000 personnes seront victimes dudit paragraphe pendant le IIIe Reich.

C’est aussi Hirschfeld qui est à l’origine du mot « travesti ». Dans ses établissements, il propose les toutes premières opérations de « réattribution sexuelle » de l’histoire. Pour la première fois, des personnes transgenres peuvent se sentir en adéquation avec leur corps, pour la première fois, elles se sentent elles-mêmes.

En 1933, Adolf Hitler fera emprisonner Ernst Röhm, le fondateur des SA, à cause de son homosexualité (il finira assassiné en prison le 1er juillet 1934). Sous le IIIe Reich, les homosexuels seront contraints de porter le « triangle rose ». Magnus Hirschfeld, à la fois juif et gay, part en exil à Nice et y meurt en 1935. En mai 1933, son Institut de sexologie, ouvert en 1919 à Berlin, avait été détruit par les nazis.

Même si l’homosexualité était interdite, cette ébauche du mouvement qu’on n’appelait pas encore LGBT a progressivement pris de plus en plus de place. « Toute cette diversité de genres et d’orientations sexuelles n’est pas récente, souligne Hanna Hacker, sociologue et historienne. Ce n’est pas une invention de ces cinq ou dix dernières années. » Pour Ralf Dose, écrivain, « le droit est une chose, la vie quotidienne en est une autre. Les lois n’ont jamais eu d’impact sur la manière dont une personne aspire à vivre sa sexualité et son identité de genre ». Il faudra attendre 1989 pour que les personnes queer vivent avec un semblant de liberté en Allemagne. Et 1981 pour que l’homosexualité ne soit plus considérée comme une maladie en France.

Des amours interdites, documentaire réalisé par Fritz Kalteis (All.-Aut., 2023, 2 × 43 min). Sur Arte.tv jusqu’au 15 octobre.

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