El Gouna 2023 – Au-delà des frontières : coproduire des films à l’échelle mondiale

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La 6ème édition du Festival du Film d’El Gouna (GFF), qui s’est déroulée exceptionnellement du 14 au 21 décembre 2023, a exploré une perspective intéressante lors d’un panel intitulé « Au-delà des frontières : coproduire des films à l’échelle mondiale ».

Les intervenants, Sabine Sidawi, productrice libanaise, Marie Baldacchi, productrice française, Gaby Khoury, producteur et distributeur égyptien, et Mostafa Youssef, scénariste, réalisateur et producteur égyptien, ont partagé des réflexions approfondies sur les complexités et les opportunités de la coproduction cinématographique internationale.

Dans cette plongée captivante dans le domaine de la coproduction cinématographique, Sabine Sidawi partage son engagement envers la diversité au sein des équipes de production, essentielle à la création de films destinés à un public mondial : « Je suis convaincue que les films destinés à un public mondial bénéficient grandement de la diversité au sein de l’équipe de production, favorisant ainsi une variété de perspectives, pourvu qu’elles soient en accord avec nos convictions.

Originaire d’un pays francophone, il est naturel que la France soit mon partenaire privilégié en matière de coproduction, et selon les besoins spécifiques de certains films, d’autres pays tels que l’Allemagne et l’Italie peuvent également être impliqués.

Certes, la coproduction offre des avantages financiers significatifs, même si elle peut parfois entraîner des coûts supplémentaires, notamment pour les hébergements et les transports. Cependant, les retombées sont indéniables, car la collaboration avec des individus aux perspectives diverses ouvre de nouvelles perspectives. Cette diversité est essentielle pour nous, car rester confinés à notre environnement habituel ne serait pas enrichissant.

Il est crucial que chaque coproduction réponde aux exigences spécifiques d’un film. J’ai rencontré une situation où un film a suscité l’enthousiasme général, attirant l’intérêt de nombreux investisseurs majeurs. Cependant, la multiplication des partenaires de coproduction a finalement rendu le projet ingérable, entraînant l’abandon du film. À mon sens, limiter le nombre de pays impliqués à trois ou quatre au maximum est une stratégie nécessaire pour maintenir la cohérence et l’efficacité du processus, évitant ainsi des complications excessives ».

Marie Baldacchi, productrice française, a partagé son point de vue en mettant en lumière l’importance de la tradition de coproduction de films étrangers en France : « Je souhaite mettre en avant l’importance cruciale de la tradition de coproduction de films étrangers en France, soutenue par un fonds spécial dédié. Ce fonds est un élément vital tant pour le cinéma français que pour le cinéma international, en collaboration avec des entités telles que Cinéma du Sud, Cinéma du Monde et le Centre National du Cinéma et de l’Image animée (CNC).

Pour moi, cette pratique revêt une importance particulière. Elle offre l’opportunité de travailler sur une variété de projets cinématographiques, ce qui permet d’explorer de nouvelles perspectives intellectuelles. Ce qui distingue cette approche, c’est la flexibilité des fonds. Ces derniers ne sont pas conditionnés par des dépenses spécifiques en France, ce qui libère ma créativité en tant que productrice.

Cependant, je reconnais que la dynamique évolue, avec une tendance à se rapprocher davantage d’autres pays européens. Malgré ce changement, je tiens à souligner notre riche histoire de coopération avec les pays de la région MENA, tels que l’Égypte, le Maroc et le Liban. Mon engagement se manifeste dans la production de films dans des pays principalement francophones, tout en reconnaissant l’importance de donner une voix aux minorités, y compris celles présentes en France.

Un aspect novateur réside dans notre vision de la coproduction française, illustrée par l’exemple de Cinéma du Monde. Cette approche va au-delà de la simple contribution financière, encourageant également une collaboration active. En tant que productrice, je m’investis activement dans la recherche de financements au-delà des frontières françaises, explorant des partenariats en Europe.

Un avantage significatif de la coproduction à la française, à mon sens, est le réseau de distribution bien établi. Celui-ci assure une visibilité maximale pour nos films. Cette capacité à placer nos productions dans les salles garantit que le public a l’occasion de découvrir ces œuvres cinématographiques, renforçant ainsi la portée internationale et l’impact culturel des films coproduits ».

Gaby Khoury, producteur et distributeur égyptien, partage son expérience en coproduction en expliquant les raisons de son arrêt, soulignant l’évolution des pratiques dans l’industrie cinématographique égyptienne : « J’ai longtemps travaillé en coproduction, mais j’ai arrêté. Auparavant, les coproducteurs laissaient une liberté totale pour la réalisation des films. De nombreux projets cinématographiques voient aujourd’hui le jour grâce à des financements étrangers, sans lesquels leur réalisation serait compromise.

À une époque, je collaborais avec des réalisateurs bénéficiant de financements étrangers, tels que Youssef Chahine ou Yousry Nasrrallah. Ces réalisateurs devaient souvent lutter pour obtenir les fonds nécessaires à la concrétisation de leurs visions artistiques. Personnellement, je n’ai plus la patience de consacrer quatre ans à la collecte de fonds étrangers. C’est pourquoi je me suis spécialisé dans la production de films commerciaux et ai établi des partenariats avec d’autres producteurs égyptiens. Cette approche permet de partager les risques. Parallèlement, nous avons également rencontré des défis liés à la distribution à l’étranger. En réponse, nous avons étendu nos activités à ce domaine, distribuant actuellement nos propres films. Par contre, nous collaborons avec des scénaristes étrangers. En Égypte, où nous rencontrons des difficultés au niveau des scénarios, la coproduction se concentre principalement sur cet aspect.

Actuellement, nous n’avons qu’un seul film financé par des fonds étrangers. Cette décision découle de la compréhension que ce film ne générera pas de revenus significatifs dans nos pays d’origine, et les fonds étrangers sont le seul moyen de concrétiser ce projet.

On m’a informé que de nos jours, les fonds s’accompagnent de conditions strictes, et il incombe au producteur étranger de s’assurer de leur respect. Cependant, bien que j’aie entendu parler de cette pratique, je ne connais pas les détails opérationnels.

Je vous raconte une anecdote significative : il y a quelques années, alors que Youssef Chahine faisait face à des problèmes financiers pour un de ses films, nous étions à Paris. À l’époque, il m’a confié son intention d’appeler Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères. Après avoir contacté le Quai d’Orsay, nous avons rencontré le ministre, et nous avons obtenu une subvention de 50 000 francs français. Bien que cela puisse sembler modeste, cela met en lumière la difficulté inhérente à la collecte de fonds étrangers. » Mais il faut rappeler qu’il s’agissait du grand Youssef Chahine. Un autre réalisateur n’aurait pas pu faire cela.

Je constate par ailleurs un réel problème de censure en Égypte. Malheureusement, de nombreux sujets ne peuvent plus être abordés, ce qui désintéresse les coproducteurs étrangers. Youssef Chahine était une personnalité influente, ayant la capacité d’imposer ses convictions et de défendre ardemment ses films. Aujourd’hui, la donne a changé, la société de Chahine doit persévérer, continuer à travailler, et nous nous trouvons contraints de réaliser des films en fonction de nos possibilités. Nul membre de Misr International ne peut égaler la force que détenait Youssef Chahine. Actuellement, je constate que nous ne pouvons que réaliser des coproductions entre Égyptiens, principalement axées sur des films commerciaux, afin de maintenir l’activité de l’entreprise et de subvenir aux besoins de nos employés ».

Dans cette exploration des programmes d’aide aux projets dans les festivals, Mostafa Youssef souligne l’importance vitale de ces initiatives pour les films indépendants, mettant en lumière les défis financiers auxquels font face les jeunes réalisateurs : « Quelle est l’importance des programmes d’aide aux projets dans les festivals? En ce qui concerne les films indépendants, je suis convaincue qu’il existe un public passionné, notamment celui qui apprécie les œuvres cinématographiques pérennes. Face à cette réalité, nous, jeunes réalisateurs indépendants, sommes confrontés au défi de trouver des sources de financement. Les plateformes de festivals représentent actuellement notre principale option, bien que leur nombre soit limité, comptant seulement 4 ou 5 dans toute la région, avec un montant total de 300 000 dollars. Ce financement, bien que modeste, demeure une ressource vitale pour notre industrie cinématographique ».

Marie a abordé la question du calcul du risque dans la production cinématographique, soulignant la complexité de cette tâche : « Comment calculer le risque ? Si on se perd dans les calculs, on ne réalise pas le film. Il est essentiel de croire en ce projet et en ce réalisateur, de s’y engager pleinement, de le concrétiser, et d’observer les résultats.

La recherche de fonds de développement représente une étape cruciale. Prenez par exemple le film « Leur Algérie » de Lina Souelem. Nous avons sillonné diverses destinations telles que Doha et Carthage, participant à des pitchs à travers le monde, collectant le budget nécessaire par petites sommes, que ce soit 10 000 euros par-ci, 10 000 euros par-là.

Une fois que le film est sur les rails, la recherche de partenaires, particulièrement pour la post-production, devient plus accessible. Le succès d’un film facilite le processus pour le projet suivant, créant une dynamique positive pour l’ensemble du processus créatif. »

La gestion de plusieurs producteurs de différents pays pose un défi complexe. Sabine partage son expérience dans ce contexte particulier.

« Quand tu as affaire à plusieurs producteurs de différents pays, comment gérer tout ce monde ? Les films que je réalise, malheureusement, sont souvent limités en termes de budget. Bien que j’aurais aimé avoir une équipe pour m’assister, ce luxe n’est pas toujours possible. Je me distingue par ma compétence dans la rédaction de contrats, une nécessité pour les producteurs de films indépendants qui doivent être polyvalents, même si cela peut être éreintant. Ce qui a simplifié ma vie, c’est ma démarche auprès de ceux qui travaillent avec moi. Je leur rappelle que, dans le cadre de la coproduction, la collaboration est essentielle, et que nous devons tous contribuer collectivement à la réussite du projet. »

Mostafa Youssef soulève la question du rôle étendu du producteur, jouant parfois plusieurs rôles tels que monteur, comptable, et scénariste : « Lorsqu’on aborde le rôle du coproducteur, la question se pose : peut-il imposer certains thèmes ou sujets et s’ingérer dans le contenu du film ?

Il existe un problème avec certains coproducteurs qui cherchent à imposer un contenu spécifique. J’ai un exemple concret d’un fonds qui a tenté d’influencer un film égyptien en lui imposant un angle de vue favorable à la Grande-Bretagne. La réalisatrice a résolument refusé cette ingérence, soulignant que c’était aux Anglais d’accepter son point de vue et de chercher à le comprendre, plutôt que d’imposer une perspective qui servirait uniquement les intérêts du coproducteur. »

Ces divers témoignages ont révélé la complexité et la richesse de cette collaboration à l’échelle mondiale. Chacun a souligné l’importance de la diversité, les avantages financiers et intellectuels, ainsi que les défis inévitables. De la flexibilité des fonds français à la nécessité de films commerciaux en Égypte, en passant par l’importance des programmes d’aide aux projets dans les festivals, les participants ont offert une vision nuancée de l’état actuel de la coproduction cinématographique.

Cette plongée dans le monde de la coproduction cinématographique démontre que malgré les défis, la créativité et la passion restent au cœur de cette entreprise mondiale. La diversité, la flexibilité financière et la collaboration sont les piliers qui soutiennent cette forme complexe de création cinématographique. Au-delà des frontières, la coproduction continue d’être une force dynamique, tissant des liens culturels et artistiques qui enrichissent la scène cinématographique mondiale.

Neïla Driss

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