14 septembre 1993 : entre Israël et la Palestine, une poignée de mains met en marche la paix… pour un temps

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Notre rendez-vous anniversaire « 80 ans du Parisien, 80 unes »

Le tout premier numéro du Parisien paraît le 22 août 1944, en pleine libération de Paris. Pour célébrer cet anniversaire, nous vous avons sélectionné 80 Unes historiques ou emblématiques de leur époque. Sport, faits divers, conquête spatiale, élections présidentielles, disparition de stars… Elles racontent huit décennies d’actualité. Nous avons choisi de vous en raconter les coulisses. Une série à découvrir jusqu’à la fin de l’année.

Il y a des Unes que l’on rêverait de refaire. Pour la paix qu’elles annoncent, l’espoir qu’elles symbolisent. Celle du Parisien du mardi 14 septembre 1993, il y a tout juste trente et un ans, est de celles-ci, et plus encore la photographie historique qui l’illustre. La veille, Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, et Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), ont échangé une poignée de mains. Ce geste acte la signature de la déclaration de principes, lançant un processus inédit d’autonomie des territoires occupés.

« La paix est en marche » écrit-on. Les deux ennemis jurés font un premier pas pour refermer de longues décennies d’un conflit aux milliers de morts. Au-dessus de cette photo, un titre évocateur, « Le grand pardon », rappelant le film d’Alexandre Arcady, sorti une décennie auparavant, qui voyait s’affronter plusieurs familles mafieuses… dont un clan juif et un arabe. Un titre, surtout, qui sonne comme une promesse des deux parties alors que s’engage tout juste un travail de longue haleine.

Notre journal fait de cette poignée de main, et de tout ce qu’elle implique pour l’avenir, son Fait du jour, dans les premières pages du quotidien. Un rédacteur raconte, s’aidant des agences de presse sur place, les coulisses de ce moment déjà historique. Et qui aurait pu ne pas être. Yitzhak Rabin a en effet laissé entendre ne pas savoir jusqu’au dernier moment s’il serrerait la main d’Arafat.

Mais la mise en scène — orchestrée par Bill Clinton sur la pelouse de la Maison-Blanche et devant un parterre de 3 000 invités prestigieux, dont Jimmy Carter et George Bush — et l’attitude chaleureuse et souriante d’Arafat ont achevé de convaincre le chef du gouvernement travailliste, pouvons-nous lire. « Je me souviens avoir écrit dans mon article qu’il y avait eu comme une hésitation de la part de Rabin, se rappelle Henri Vernet, rédacteur en chef adjoint au service politique du Parisien, présent à la Maison-Blanche ce jour-là pour le compte d’un autre journal. Les pelouses étaient vraiment bondées. J’étais loin, avec les autres journalistes, mais on les voyait bien. »

Le récit est illustré de plusieurs photos, où l’on voit que le président américain a convoqué un autre symbole, poursuit Henri Vernet : la table sur laquelle est signée la déclaration par Shimon Peres, alors ministre des Affaires étrangères, et Mahmoud Abbas, numéro 2 de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui se fait alors appeler sous son surnom d’Abou Mazen, n’est autre que celle qui a aussi servi lors des accords de Camp David, en 1978, synonyme de paix entre Israël et l’Égypte.

« Assez de sang et de larmes. Assez ! »

Après la photo, les mots. Et ceux prononcés par les deux leaders israélien et palestinien retentiront longtemps. Ce sont ceux d’Yitzhak Rabin qui sont utilisés pour titrer ces deux pages exceptionnelles : « Assez de sang et de larmes. Assez ! » Et parce que les écrits restent, Le Parisien reproduit dans ses pages, au moins partiellement, les discours des artisans de la paix.

« La signature de la déclaration de principes n’est pas si facile. C’est un adieu aux armes, nous sommes destinés à vivre ensemble, sur le même sol de la même terre », clame Rabin tandis qu’Arafat salue « une difficile décision » qui « a demandé un grand et exceptionnel courage ».

Dans le carré des reporters, Henri Vernet se souvient de la surprise des Américains de voir Arafat présent, lui qui était encore considéré comme le chef d’une organisation terroriste. Mais il se rappelle surtout de l’émotion qui parcourait les rangs. « On avait tous grandi avec ce conflit, ces attentats, la première Intifada, où l’on voyait des mômes avec leurs lance-pierres. Les images avaient beaucoup marqué, explique Henri Vernet. On avait vraiment le sentiment d’un moment historique. Les choses bougeaient, il y avait un espoir, grâce au simple fait qu’ils se soient parlé. »

« À ce moment-là, l’optimisme régnait sans partage »

Dans tout événement, il y a ses à-côtés et ceux du 13 septembre 1993 sont racontés par notre envoyé spécial Marc Chalamet, sur la pelouse de la Maison-Blanche. On y évoque les officiers de sécurité évidemment sur les dents, l’avantage de porter un keffieh alors que le soleil plombe la capitale américaine ce jour-là, ou la présence de la veuve du président égyptien Anouar el-Sadate, signataire des accords de Camp David.

« Le journal m’avait envoyé à Washington à la dernière minute – je me rappelle avoir bataillé pour mon accréditation – lorsqu’il était apparu que les pourparlers avançaient bien entre Shimon Peres, le ministre israélien des Affaires étrangères et Mahmoud Abbas, le chef des négociateurs palestiniens… », raconte notre envoyé spécial qui garde de ce jour le souvenir d’une journée à la chaleur étouffante.

« Lorsque Arafat, bras tendu, s’est avancé vers Rabin et que ce dernier lui a pris la main, l’extraordinaire ovation a été à la mesure de l’événement… Peut-être y avait-il dans l’assistance des gens qui ne partageaient ni la joie ni le soulagement de la cérémonie, mais à ce moment-là, l’optimisme régnait sans partage », renchérit Marc Chalamet.

Les applaudissements à Jérusalem, Jéricho… et Paris

Dans les pages suivantes, on quitte Washington pour Jérusalem, Jéricho, Gaza, où la joie éclate à la signature de la déclaration. Sans journaliste sur place, c’est l’AFP, l’agence de presse, qui fournit en articles et en reportages de nombreux médias, qui relate les scènes de liesse dans les rues et les drapeaux palestiniens, auparavant interdits, brandis ici ou là.

Et bien sûr, l’actualité du bout du monde touchant toujours le coin de nos rues, un reporter du journal est envoyé dans un café parisien, la Boule rouge, dans le quartier du Faubourg-Montmartre (IXe). « Juifs et Arabes applaudissent » dans ce restaurant « gagné par l’effervescence au fur et à mesure qu’avance la retransmission ». « Il faut faire la paix ! », s’exclame un client. Mais le scepticisme pointe chez d’autres. « Je ne vous donne pas dix ans, et ça va reprendre », analyse, pessimiste, un habitué.

Sous le reportage, une publicité annonce notre prochain sondage : un baromètre mensuel pour préparer la présidentielle, prévue en 1995. 1995, qui verra sérieusement vaciller le processus de paix.

Yitzhak Rabin assassiné, le monde s’inquiète

Le 4 novembre de cette année, Yitzhak Rabin est assassiné à bout portant par un extrémiste religieux lors d’une manifestation pour la paix et contre la violence à Tel-Aviv (Israël), devant pas moins de 150 000 personnes. Le 6 novembre, « Le monde en deuil » barre la photo du cercueil de l’homme d’État et de paix et amorce notre Fait du jour sur ses funérailles nationales à Jérusalem.

Tous les grands de ce monde sont présents, dont les présidents Clinton et Chirac. Mais pas Arafat, pour des raisons de sécurité, comme il est expliqué dans un long reportage fait par l’un de nos journalistes sur place.

Au fil des quatre pages consacrées à l’événement, avec notamment un long récit sur place, on lit l’inquiétude du monde sur la poursuite du processus encore fragile entre Israéliens et Palestiniens, dont les principales dates sont rappelées, ainsi que le long chemin qu’il reste à parcourir.

Le retour des armes

Dès 1996, les armes parlent à nouveau et le conflit se fait tantôt larvé ou exacerbé. De nombreuses fois, la violence et les drames s’affichent en une. Le 3 octobre 2000, le titre « Le bain de sang » en lettres capitales accompagne une image d’un cortège funèbre d’un petit garçon palestinien.

Six ans après, le Hamas remporte les élections législatives palestiniennes, un coup dur porté au Fatah d’Arafat, décédé en 2004, que l’on qualifie à la une du 27 janvier 2006 de « Grand bouleversement ».

Dans nos pages, une série de portraits croque les personnalités qui vont compter dans ce nouveau paysage politique. Parmi elles, un certain Ismaïl Haniyeh, que l’on décrit alors comme « un pragmatique au sein de son parti », qui deviendra plus tard chef de son bureau politique. Un nom qui ressurgira tragiquement le 7 octobre 2023.

Le Hamas lance alors ses roquettes et ses hommes contre Israël. S’attaquant au jeune public d’un festival de musique et aux populations de kibboutz situés non loin de la bande de Gaza. Le bilan de ces attentats est éminemment lourd : 1 200 morts, 7 500 blessés, 251 otages (97 seraient encore retenus à Gaza, dont 33 déclarés morts par l’armée).

La riposte d’Israël est immédiate, causant plus de 41 000 morts, selon un décompte du ministère de la Santé du Hamas pour Gaza. Loin, très loin de l’image de la poignée de main de 1993.



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